Le forum « Business européen : de la Russie vers l’Ukraine, le Kazakhstan et la Biélorussie » a été l’occasion pour les participants de s’interroger sur les changements économiques et politiques récents en Ukraine, au Kazakhstan et en Biélorussie et de leur impact sur l’attractivité des pays du point de vue des investisseurs européens.
Organisé par la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR), le forum a réuni plus de 50 dirigeants issus des secteurs privé ou public, concernés par les perspectives d’implantation dans ces trois pays.
Avec l’Union douanière venue renforcer le processus d’intégration, les échanges commerciaux ont augmenté de 36% : « Nous voyons déjà, sur le territoire des trois pays, la création d’alliances intersectorielles, incluant l’activité des trois pays » a remarqué Anna Sysoeva, directeur adjoint du Département de la coopération économique et de l’intégration avec les pays de la CEI auprès du ministère du Développement économique de la Fédération de Russie. A terme, l’espace économique unique permettra la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des travailleurs.
L’intégration a des retombées plus équivoques : « Les hommes d’affaires commencent à comparer les trois pays pour choisir, au cas par cas, celui dans lequel les conditions sont les plus favorables, ont noté les participants du forum, notamment pour les cas de délocalisation de la production. La compétition entre les juridictions s’active peu à peu, et désormais les milieux d’affaires poussent du coude les institutions étatiques en fonction de leurs propres intérêts ».
Quelles raisons poussent les bailleurs de fonds à investir dans tel ou tel pays ? Les participants du forum ont identifié 4 critères : l’immatriculation des entreprises, le droit de propriété, le raccordement aux réseaux énergétique et le régime commun de traitement fiscal.
« Deux facteurs fondamentaux déterminent le format de notre participation aux affaires de chaque pays : sa solvabilité et la formation du capital humain, décrit Philippe Pégorier, président d’Alstom Russie et CEI, et le seul pays qui ait et l’argent et les cerveaux, c’est la Russie. C’est pourquoi nous produisons en Russie pour exporter vers les autres pays membres de l’Union douanière. Au Kazakhstan, le soutien politique effectif aux investisseurs ne suffit pas à combler le manque de cadres qualifiés. Pour les Européens, en Ukraine il est préférable de développer leurs affaires en partenariat avec les grandes compagnies locales ». « Pour chaque projet nous localisons la production, favorisons le transfert de technologies, travaillons ensemble et organisons des manifestations communes » ajoute-t-il.
Martial Sekely, directeur général de Lactalis Vostok (entreprise familiale qui fait désormais 75% de son chiffre d’affaires hors du territoire français), a opté pour une stratégie similaire : « Nous prévoyons d’acheter des marques locales sur les trois marchés, où nous essayons de nous implanter : pour l’instant nous avons des marques en Ukraine et au Kazakhstan ».
L’implantation sur les marchés des pays de la CEI s’explique avant tout par l’attraction exercée par le développement économique rapide de ces dernières années. Boris Kisselevsky, adjoint du chef des Services économiques pour la CEI auprès de l’Ambassade de France en Russie, note que les compagnies françaises ont commencé à pénétrer le marché kazakh et pas uniquement dans le secteur pétrolier.
Le Kazakhstan attire les investisseurs étrangers pour d’autres raisons ; à terme il deviendra un centre de commerce international. « Les projets d’infrastructures favorisent la position de pays de transit du Kazakhstan » a déclaré Daoulet Kyatbekov, associé de Deloitte Kazakhstan, évoquant la construction de lignes de chemins de fer à l’intérieur du pays comme vers les voisins iranien ou chinois.
Les investisseurs sont également attirés par l’Ukraine, en période de changement : « Le système d’imposition se transforme littéralement sous nos yeux » décrit Vladimir Vakht, partenaire de gestion chez Deloitte Ukraine. Le directeur de l’Observatoire de la CCIFR, Arnaud Dubien, a présenté une analyse détaillée de l’influence du processus politique en Ukraine sur le business international et a attiré l’attention sur une date importante à venir : « les élections du 28 octobre détermineront le scénario du développement de l’Ukraine : ou bien la poursuite de la politique actuelle ou bien l’évolution vers une politique eurasiatique ».
« L’actualité politique en Ukraine n’affecte pas le petit et moyen business, ajoute Dmitri Demidenko, directeur général de Skif Consulting, mais les grandes compagnies qui doivent tenir compte de tous ces changements. L’élite régional exerce également une influence importante sur la gestion des affaires ».
Quand la Biélorussie est abordée, la discussion s’échauffe : « Ce pays est moins ouvert aux affaires depuis la crise, a déclaré Boris Kisselevsky, mais le gouvernement français soutient les investissement dans l’économie biélorusse et voit un grand potentiel dans le développement du secteur bancaire et agro-industriel ».
Ulf Schneider, directeur général de RUSSIA CONSULTING Group, a comparé en détail les systèmes comptables et fiscaux des quatre pays et a spécialement insisté sur les conditions avantageuses dont peuvent bénéficier les investisseurs en Biélorussie : « Il est possible de transférer les pertes sur des périodes futures. Dans la technopole IT les entreprises enregistrés ne payent pas d’impôts sur les bénéfices et les compagnies étrangères ont le droit de décider si elles payent ou non les charges sociales ».
« La Biélorussie est un pays fortement centralisé, précise le directeur général de Skif-consulting, Dmitri Demidenko. Cela empêche-t-il de mener des affaires ? Non. Cela nous aide même. Le pouvoir présidentiel fort, c’est la garantie pour les investisseurs d’une liberté d’agir, de créer des nouveaux postes de travail et de travailler sereinement. Les investisseurs étrangers ont le statut de « vache sacrée » et obtiennent ainsi beaucoup d’avantages si tant est que leur projet soutienne le pouvoir en place. Mais l’Etat contrôle la compétitivité et le niveau de rémunération de sorte que les attentes des bailleurs de fonds en terme de retour sur investissement soient comblées ». La procédure de dédouanement, relativement transparente et rigoureuse par rapport aux autres pays, joue également en faveur de la Biélorussie.
Valery Sajenkov, vice-président de Schneider Electric, s’est attaché à décrire les procédures de circulation des biens importés dans le cadre de l’Union douanière, de l’expérience du taux de TVA zéro et de l’application de la loi sur les prix de transfert. « La mise en place des règles douanières, jusqu’ici nationales, sera désormais du ressort de l’Union douanière. La question est de savoir quel règlement national servira de modèle de base. Cette question doit être placée au centre de l’attention des organes de décision » a-t-il précisé.
Au cours du forum, ont également été examinés les enjeux liés au développement de l’infrastructure logistique sur le territoire de la Russie et à l’amélioration de l’administration douanière. Cette dernière prévoit de raccourcir la durée de transit des biens importés, la mise en place d’un système de déclaration électronique, l’application d’un principe de « guichet unique » à la frontière, etc. Dans l’ensemble, les changements dans ces domaines ne sont possibles qu’à travers une coopération étroite entre les autorités douanières et les entreprises.