Le président de la Fédération russe d’échecs revient sur les principales compétitions de l’année passée et évalue les perspectives des tournois à venir.
Ce fut une année très réussie pour les échecs dans notre pays. Dans la compétition par équipe 2019, pour la première fois de l’histoire, nos hommes ont remporté l’or des championnats du monde et d’Europe dans la même année. Les femmes ont également montré de très bons résultats, remportant l’or en Europe et l’argent de la Coupe du monde. Le jeu d’échecs moderne est un domaine extrêmement compétitif, et c’est pourquoi ces résultats sont très encourageants pour le chef de notre fédération nationale.
– Vous n’êtes pas seulement le président de la Fédération, mais aussi l’entraîneur-chef de l’équipe masculine. Comment les hommes ont-ils réussi à atteindre ce résultat ?
Andreï Filatov : – C’est le résultat d’une politique que nous avons élaborée et que nous menons ensemble avec notre personnel d’entraineurs. Les orientations de cette politique sont le rajeunissement de l’équipe et la création d’un environnement compétitif en son sein. Nous voudrions voir des jeunes joueurs d’échecs aspirer à entrer dans l’équipe nationale et à se battre pour le droit d’y jouer. En 2019, plusieurs nouveaux joueurs sont apparus dans l’équipe, et tous ont déjà montré de bons résultats.
Lors des Championnats du monde à Astana, le jeune grand maître de Kazan Vladislav Artémiev a remporté la première place sur son échiquier et a montré d’excellents résultats. Aux Championnats d’Europe, le jeune saint-pétersbourgeois Kirill Alekséienko et le jeune moscovite Daniil Dubov se sont distingués. Les joueurs Nikita Vitiougov et Dmitri Andréikine ont joué avec succès dans les compétitions par équipes. Ce sont des grands maîtres assez expérimentés, mais ils n’ont pas joué souvent pour l’équipe nationale. Cette fois-ci ils ont eu cette opportunité et ils l’ont utilisée avec brio.
À un moment donné, nous avons décidé qu’aucun grand maître russe, quels que soient ses mérites, n’aurait de place garantie dans l’équipe nationale. Parce que la motivation d’un joueur est souvent bien plus importante que son classement ! Désormais, nous renouvelons régulièrement la composition de l’équipe et surveillons l’état de nos grands maîtres en temps réel. Jusqu’à présent, cette stratégie donne les résultats souhaités.
Nous avons devant nous l’Olympiade mondiale d’échecs à Moscou, où notre pays sera représenté par trois équipes masculines. Nous avons déjà commencé les préparatifs de ces tournois: nous avons réparti les joueurs entre les entraîneurs et établi un calendrier des tournois et des périodes d’entraînements. Suite à l’augmentation du nombre des équipes, nous avons renforcé le personnel d’entraîneurs et augmenté le nombre de cours collectifs et individuels pour nos joueurs d’échecs. Le premier camp d’entraînement en 2020 a déjà eu lieu au bord du lac Krugloië à la mi-janvier.
Bons résultats des championnats individuels
– Comment évaluez-vous les résultats individuels des russes en 2019 ?
– Ils sont très bons également. Alexandra Goriatchkina a remporté le tournoi des candidats à Kazan et s’est qualifiée pour le match pour le titre de championne du monde. C’est un énorme succès pour une fille de 21 ans ! Je suis heureux que nous ayons pu l’aider dans la préparation. Elle devient une joueuse de plus en plus performante littéralement sous nos yeux, de tournoi en tournoi. Tous nos fans suivent avec enthousiasme le match, dont la première partie a eu lieu à Shanghai, et la seconde se déroule actuellement à Vladivostok.
En ce qui concerne nos hommes, l’an dernier, Alexandre Grishchuk et Ian Népomniashchi ont montré un excellent jeu. Dans un combat difficile (y compris entre eux), ils ont remporté le droit de jouer le tournoi des candidats. Alexandre a déjà eu cette expérience plusieurs fois, mais Ian a été sélectionné pour la première fois, après avoir réussi à remporter « sur commande » la dernière étape du Grand Prix FIDE à Jérusalem. Gagner « sur commande » dans un tel tournoi est très difficile, et cette victoire suggère que Ian est psychologiquement prêt pour des batailles au plus haut niveau.
Le troisième participant au tournoi des candidats – le jeune Kirill Alekséienko, pourrait finir par jouer le rôle du joker. Il est devenu candidat grâce à un coup de chance, mais c’est aussi un facteur très important dans le sport, qu’il ne faut pas sous-estimer. La tâche de Kirill est d’utiliser cette opportunité et de se « muscler » pour combattre de manière adéquate les meilleurs joueurs d’échecs du monde. En général, il est très intéressant pour moi d’observer l’évolution professionnelle des jeunes joueurs.
– Quels sont les résultats montrés par les russes en compétitions juniors ?
– En 2019, nos garçons et nos filles ont apporté 23 médailles à la Russie, dont 10 médailles d’or. Ils ont remporté la première place au classement non officiel des médailles aux Championnats du monde et aux Championnats d’Europe, proposés à toutes les catégories d’âges. Les championnats du monde juniors aient eu lieu en 2019 en Inde, qui nous concurrence constamment lors de tournois enfants et juniors. Le jeu d’échecs se développe très activement dans le pays, et nous devons faire des efforts importants pour maintenir notre position de leader …
Le Département d’échecs du Centre « Sirius » joue un rôle très important dans ce processus. Beaucoup de nos jeunes vedettes ont suivi des cours dans ce centre en 2015-2018. Certains d’entre eux ont déjà dépassé le stade des compétitions pour enfants, ont percé à la Coupe du monde et sont devenus candidats à l’équipe nationale. Nous avons réuni à Sotchi les meilleurs entraîneurs nationaux afin que des enfants talentueux de toute la Russie aient la chance de se réaliser aux échecs.
Malheureusement, en 2019, le nombre de cours alloués aux échecs au Centre « Sirius » a diminué. Mais j’espère vraiment que cette situation sera renversée en 2020, et nos garçons et filles auront des opportunités supplémentaires d’amélioration. Il est très important de ne pas ralentir, surtout dans les conditions de compétition féroce dans lesquelles vivent les jeunes athlètes. L’expérience qu’ils acquièrent à Sirius est indispensable !
– En 2019, de nombreuses grandes compétitions FIDE ont eu lieu en Russie …
– Je suis heureux que la FIDE fasse confiance à la Fédération russe des échecs pour accueillir des tournois de haut niveau. C’est un grand signe d’appréciation de notre travail. L’année passée, notre pays a accueilli la Coupe du monde (à Khanty-Mansiysk), le tournoi des candidats (à Kazan), deux étapes du Grand Prix – masculin et féminin (tous deux à Moscou). L’année s’est terminée avec le traditionnel championnat du monde Rapide et Blitz, qui se déroule sous le haut patronage du roi Salman. Pas un sou du budget de l’État n’a été dépensé pour cela, bien que ce soit le tournoi le plus spectaculaire et le plus en vue du calendrier mondial des échecs. L’accueillir contribue brillamment à notre objectif principal – populariser le jeu d’échecs. Je ne peux que noter le succès d’Ekaterina Lagno, devenue championne du monde de blitz pour la deuxième année consécutive (au total, elle a trois médailles d’or en blitz : 2010, 2018, 2019). Imaginez : cette fille frêle, mère de quatre enfants, a fêté son trentième anniversaire lors du tournoi ! Et deux jours plus tard, elle remporte le troisième titre de championne de sa carrière, en compétition avec les meilleures joueuses d’échecs du monde, venant de 52 pays. À mon avis, c’est une très belle réussite !
Dans les nominations masculines, personne ne peut rivaliser avec Magnus Carlsen, qui démontre des résultats tout simplement phénoménaux. Suivre son jeu en direct est un grand plaisir, il a beaucoup de fans en Russie ! Clôturant le thème du Championnat du monde Rapide et Blitz, je tiens à ajouter que Vladimir Kramnik a régalé tous les fans. C’est-à-dire que d’abord il nous a tous bouleversé quand, au tout début de 2019, il a quitté sa carrière professionnelle. L’an dernier, il n’a disputé qu’un seul tournoi officiel, mais a réussi à remporter la troisième place au championnat blitz, et à battre tous nos jeunes grands maîtres. Qui sait, peut-être qu’en 2020 nous le reverrons devant l’échiquier ?
Le tournoi des candidats et l’Olympiade à l’horizon
– Quels tournois internationaux importants auront lieu en Russie en 2020 ?
– En mars à Iekaterinbourg aura lieu le tournoi de candidats hommes. C’est le tournoi d’échecs le plus spectaculaire et le plus intéressant possible – le vainqueur de cette épreuve jouera le match de championnat du monde. Je suis reconnaissant à Andreï Simanovski, président de la Fédération des échecs de la région de Sverdlovsk, qui a décidé de sponsoriser la compétition. Il n’y a jamais eu de tournoi d’échecs de ce niveau à Iekaterinbourg, et nous attendons tous avec impatience son début.
En juillet-août 2020, l’Olympiade mondiale d’échecs se tiendra à Khanty-Mansiysk et à Moscou. Il s’agit du tournoi par équipe principal de notre sport ; des représentants de tous les pays membres de la FIDE peuvent y participer (il y en a actuellement 190). Il s’agit de la troisième Olympiade d’échecs de l’histoire de la Russie, les deux précédentes ayant eu lieu en 1994 et 2010.
– Les sanctions imposées à la Russie par l’Agence mondiale antidopage affecteront-elles la tenue de l’Olympiade d’échecs 2020 ?
– La décision d’organiser l’Olympiade de 2020 a été prise par la FIDE en 2016, bien avant la décision de l’AMA. Le président de la FIDE a déjà confirmé publiquement que l’Olympiade se tiendra en Russie dans les délais prévus. A en juger par la pratique d’autres sports, aucune des grandes compétitions prévues en Russie ne sera reportée – ni le Championnat d’Europe de football 2020 ni le Championnat du monde de hockey sur glace 2021. Bien sûr, les échecs ne feront pas exception, d’autant plus que la décision de l’AMA n’a aucune relation de substance avec nous. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de scandales de dopage dans le monde des échecs, bien que lors de toutes les grandes compétitions internationales, les participants passent régulièrement des tests de dopage.
En général, je ne m’attends à aucun problème avec l’Olympiade et les autres compétitions internationales d’échecs. Les joueurs d’échecs russes, comme tous les autres participants, joueront sous le drapeau de leur pays. La question est : entendrons-nous l’hymne russe à la fin du tournoi ? La réponse ne dépend que des résultats. Si nous gagnons les médailles d’or, l’hymne national résonnera !
Je pense qu’en 2020, nous établirons un record pour le nombre de pays participants. La popularité du jeu d’échecs augmente, tout comme le nombre de pays membres de la FIDE. Il est important de noter qu’il s’agit de la première Olympiade d’échecs qui se tiendra dans deux villes à la fois – Khanty-Mansiysk et Moscou. Une autre innovation intéressante est l’organisation des Jeux paralympiques d’échecs mondiaux, le premier tournoi de ce type dans l’histoire, qui aura lieu à Khanty-Mansiysk. Le jeu d’échecs est populaire auprès des personnes handicapées, et je suis heureux que la FIDE ait décidé d’organiser cette compétition professionnelle.
Source: SportExpress