Lors de la 8ème conférence économique annuelle, les experts ont discuté des tendances et des pronostics pour la situation économique russe.
Le 10 février, dans les locaux de la Maison des échecs s’est tenu la VIIIème édition de la conférence « Situation économique en Russie : tendances et pronostics ». L’événement, organisé par l’Observatoire franco-russe de la CCI France Russie, a attiré plus de 120 cadres et directeurs généraux. Les entreprises membres de la CCI France Russie ont bénéficiés de l’opportunité unique d’écouter les analyses des plus grands experts russes et français sur les tendances macroéconomiques et géopolitiques les plus importantes pour les investisseurs.
Après un mot d’introduction de la part de Pavel Chinsky, le directeur général de la CCI France Russie, Julien Vercueil, rédacteur en chef adjoint de la Revue de la Régulation et vice-Président de l’INALCO dont il dirige également le Centre de recherche Europe Eurasie, a pris la parole. Il s’est exprimé sur les facteurs internes et externes qui influent sur le rythme de la croissance économique russe, comme notamment la conjoncture internationale, la politique budgétaire du gouvernement et la politique monétaire de la Banque Centrale de Russie. Le principal moteur de la croissance demeure la consommation des ménages alors que la balance commerciale continue à peser négativement sur l’activité.
Au début de l’année 2020, le gouvernement russe dispose selon l’expert d’options qu’il n’avait pas un an plus tôt. Au premier rang desquels un important excédent budgétaire, qui a atteint près de 2% en 2019. D’autres indicateurs positifs sont le déficit hors pétrole, qui ne représente plus que 5% du PIB et le prix pivot du pétrole (prix nécessaire pour un budget à l’équilibre), qui a chuté jusqu’à 50 dollars par baril. La part liquide du Fond de bien-être national s’approche quant à elle de la barre des 7% du PIB à partir duquel le fond peut investir dans l’économie nationale. Des débats ont lieu quant à la meilleure façon d’utiliser ces ressources.
« En l’absence de choc extérieur, comme par exemple une chute brutale des cours du pétrole, la croissance devrait se situer entre une fourchette de 1,5 à 2,5% du PIB, soit une légère accélération » – a conclu Julien Vercueil.
L’économiste en chef de Rosbank, Evgueni Kochelev, a ensuite poursuivi sur le thème des tendances macroéconomiques. Les pouvoirs publics essaient d’opérer une transition douce du modèle de croissance, qui repose actuellement sur la consommation des ménages, en relançant l’investissement. L’économie russe dispose de suffisamment de ressources pour opérer une diminution de sa dépendance aux industries extractives, sans qu’une transition à grande échelle n’ait lieu à court terme. Cela signifie que dans les années à venir, la croissance économique restera d’environ 2% du PIB, en attendant de nouveaux relais du côté des investissements.
La consommation et l’investissement public pourraient à l’avenir compenser une baisse de la consommation des ménages, bien que les projets sociaux et d’investissements du gouvernement n’en soient pour l’instant qu’au stade des discours. « En 2018-2019, la contribution des mesures gouvernementales est demeurée faible -fait remarquer l’expert. – Selon nos estimations, l’impact principal sur l’économie devrait s’opérer sur la période 2021-2023 ».
Evoquant la réduction de l’inflation, Evgeni Koshelev a attiré l’attention sur le fait qu’il n’est pas encore clair s’il s’agit d’un facteur structurel ou cyclique. Quant à la corrélation entre le pétrole et le rouble, elle diminue.. « 2019 a été une année record pour l’achat d’obligations fédérales par les investisseurs russes comme étrangers. C’est une bonne base pour 2020 qui augure une évolution positive du cours du rouble et une baisse des taux » – déclare l’expert.
Le directeur adjoint du Service fédéral anti-monopole (SFA), Andreï Tsyganov est revenu en détail sur l’action du SFA en matière de contrôle des investissements étrangers dans les entreprises russes stratégiques. C’est la Commission gouvernementale pour les investissements étrangers qui travaille sur ces questions. L’expert a fait remarquer qu’en 11 ans d’existence du SFA, la Commission avait examiné 282 des 620 investissements concernés, ne suscitant que 23 refus. « De mon point de vue, ces chiffres montrent très clairement que nous avons une attitude très amicale envers les investisseurs étrangers et que la Commission n’a pas de visées prohibitionnistes » selon Tsyganov.
Le spectre des dossiers traités par le SFA est large. Selon l’intervenant, la seule réunion du SFA de novembre 2019 a permis d’examiner des investissements pour un montant avoisinant les 1000 milliards de roubles.
Lors de son intervention, le secrétaire du Conseil d’administration de la CCI France Russie, David Lasfargues, qui est aussi associé dans le cabinet d’avocat Jeantet et président des Conseillers Français du Commerce Extérieur en Russie, a examiné l’effet sur les investisseurs des relations franco-russes. Les entreprises françaises sont très bien représentées en Russie et ne rencontrent pas de grandes difficultés juridiques et fiscales. Le Président français Emmanuel Macron souhaite donner une nouvelle impulsion à la relation bilatérale et il se rendra à Moscou à l’occasion de la célébration du 75ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale. Le cas de Philippe Delpal, toujours en résidence surveillée, reste une préoccupation majeure de la communauté d’affaires française.
Le public a manifesté un grand intérêt tout au long de la conférence, et les questions soulevées par la salle concernaient les sujets les plus actuels (réforme des retraites, facteurs de la variation du cours du rouble, écologie, projets nationaux…). Dans leurs réponses, les experts ont noté que les investisseurs avaient développés une immunité face aux sanctions, et y voyaient désormais davantage de nouvelles opportunités de coopération.