Paris – Moscou : regards croisés sur le développement de villes modernes
« La priorité dans le développement des infrastructures du « Grand Moscou » sera donnée aux transports publics », a déclaré le Vice-maire de Moscou en charge de la politique économique Andreï Charonov lors de la conférence «Grand Moscou – Grand Paris: agglomérations modernes et partenariat public-privé » organisée par la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR) le 25 juin 2012. La conférence a réuni des représentants du gouvernement de Moscou, des grandes entreprises françaises et russes et des experts internationaux. Ils ont discuté de l’expérience acquise au cours de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes d’investissement dans le cadre du « Grand Paris », et des perspectives du projet de « Grand Moscou ».
« Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons pas développer l’infrastructure routière de la ville de manière à supporter le nombre croissant de voitures. Moscou a été conçue pour un nombre tout à fait différent de voitures et il est maintenant physiquement impossible de modifier cet état de faits. Par conséquent, la priorité est donnée aux transports en commun et en premier lieu au métro », a dit Andreï Charonov. Il a également souligné la nécessité de construire des parcs relais de stationnement en périphérie pour les personnes qui viennent de banlieue en voiture, afin qu’ils laissent cette dernière hors du centre-ville et se déplacent via les transports publics. Et, dans le même temps, de faire en sorte d’augmenter les coûts pour les automobilistes qui poursuivront malgré tout leur trajet en voiture. Cela revient à rendre le stationnement payant dans le centre-ville, à augmenter le montant des amendes pour stationnement interdit, etc.
Les deux capitales sont touchées par les mêmes problèmes : elles sont engagées dans un processus de croissance rapide, sont de plus en plus préoccupées par la situation en matière de circulation routière, mais toutes deux tentent de résoudre ces problèmes de façon différente. Lors de la conférence, les Parisiens ont partagé leur expérience en la matière. Michel Morel, un des dirigeants de la société française Vinci Park, a déclaré que Moscou n’avait pas assez de ces parkings souterrains qui ont préservé Paris de la congestion. Vincent Pringault, co-directeur du Centre franco-russe pour l’efficacité énergétique à Moscou, a proposé de développer les transports alternatifs. Il a cité l’exemple de la location de voitures électriques à Paris, avec le système Autolib’ (avec parking gratuit). Le programme est conçu pour améliorer la situation environnementale et les transports intra urbains, et afin d’encourager les citadins à louer une voiture au lieu de la posséder.
Une des tables rondes a porté sur le thème des mécanismes de financement des projets d’infrastructures, ainsi que sur la possibilité d’utiliser le modèle du partenariat public-privé (PPP). « Le modèle du PPP est complexe et il n’est pas nécessaire de l’appliquer là où il est possible de tenir les budgets. Mais même avec le budget de Moscou, il est possible que l’argent manque. Par conséquent, il peut être intéressant d’attirer des investisseurs privés afin de consacrer l’argent public à d’autres fins », a conclu Charonov.
Selon Alexandre Dolgov, partenaire du cabinet Gide Loyrette Nouel et vice-président du Comité PPP de la CCIFR, « parmi les mécanismes pour attirer des investissements dans les infrastructures publiques, le PPP est le plus prometteur et parfois le seul possible. Un des aspects importants de la participation du secteur privé est son apport en technologies modernes. L’expérience du secteur privé dans la gestion de projet de PPP permet la mise en œuvre d’infrastructures complexes, à grande échelle et dans le respect des normes internationales. »
Les participants à la conférence ont discuté des orientations futures à donner au développement des transports et autres infrastructures à Moscou, ainsi que de la nécessité de systèmes simplifiés tels que les PPP pour les projets à venir, ceci impliquant de perfectionner la législation sur les PPP tant au niveau fédéral que régional afin d’attirer les investisseurs.
Anton Stadnikov, membre du conseil d’administration de la société NWCC et vice-président du Comité PPP de la CCIFR, estime que « pour mettre en œuvre de façon efficace des projets de PPP à Moscou, il faut attirer des investisseurs responsables et dotés d’une grande expérience dans le domaine des concessions et des PPP en Russie ».
Le directeur adjoint du Département des Transports et du développement des infrastructures routières du Gouvernement de Moscou, Sergueï Andreïkine, a présenté les projets de participation du secteur privé dans le développement des transports publics à Moscou. Il a déclaré que les services de transport dans la ville allaient profondément changer, avec le concours des investisseurs. « Des itinéraires du point A au point B seront déterminés, avec une certaine fréquence de passage. Puis des appels d’offres seront organisés, auquel chacun pourra participer », explique Sergueï Andreïkine. Selon lui, pas plus de 30% du réseau de transports sera confié au secteur privé ; le reste sera maintenu dans le giron public. Mais ces 30% permettront de réduire considérablement les coûts du réseau de transport.
Dans le même temps, les représentants des entreprises françaises ont confirmé leur intérêt à investir dans des projets à Moscou. Martin Vaujour, Vice-président de SVP Finance – Alstom Transport, a notamment évoqué dans son intervention les projets de construction de nouvelles lignes de tramway dans le « Grand Moscou ». « J’espère vraiment que nous allons remporter l’appel d’offres et réaliser ce projet. La coopération avec nos partenaires russes offre d’excellentes perspectives à notre entreprise », a déclaré Martin Vaujour.
De manière générale, la conférence « Grand Moscou – Grand Paris : agglomérations modernes et partenariats public-privé » de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe a montré l’importance d’unir toutes les parties prenantes au sein d’une plate-forme unique. « Si nous voulons développer les PPP dans notre pays, nous avons besoin d’attirer les étrangers, de profiter de leur expérience et, plus important encore, de changer leur point de vue sur la Russie. Les Français sont venus aujourd’hui à Moscou, vous ont parlé de notre expérience et de notre peuple, afin que vous réfléchissiez à ce que vous-mêmes pouvez mettre en place et développer », a déclaré Pavel Chinsky, Directeur général de la CCIFR.
La conférence a évoqué les problèmes rencontrés par les investisseurs étrangers en Russie. Martin Vaujour (SVP Finance – Alstom Transport ) a exprimé ses doutes au sujet des projets à long terme. « L’Etat ne fournit pas de garanties pour ces projets à long terme, comme par exemple la construction d’une nouvelle ligne de tram avec une concession d’exploitation de trente ans. Il est nécessaire de combler ces lacunes en se servant de l’expérience française en matière de PPP », a-t-il dit.
Les experts ont souligné la nécessité d’un réel contrôle des projets et d’une interaction efficace entre le gouvernement et le secteur privé à tous les stades de son développement. En outre, ils pensent que le monde des affaires russes a besoin de voir émerger un organisme d’autoréglementation du marché des PPP. Il existe déjà en Europe des organisations solides qui prennent en charge l’attribution de certains marchés pour le compte de l’État (par exemple, l’élaboration d’une méthodologie pour évaluer l’utilité et l’efficacité des projets), et il est aujourd’hui primordial que les autorités se rendent compte qu’un projet de PPP est un projet d’entreprise, et adoptent une attitude appropriée.
Résumant la conférence, les organisateurs ont conclu que la création d’une métropole mondiale, moderne et compétitive n’est pas une tâche facile. Dans le cadre du projet de « Grand Moscou », la Russie a besoin de l’appui de ses partenaires étrangers et des principaux acteurs du marché russe, particulièrement en ce qui concerne l’utilisation du modèle de partenariat public-privé.