Pavel Chinsky s’est longuement entretenu avec Vedomosti au sujet d’Emmanuel Macron et de la levée des sanctions, des investisseurs français en Russie et du lobbying : découvrez l’intégralité de l’interview.
Dans une interview accordée à Vedomosti, Pavel Chinsky, Directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe s’interroge au sujet d’une éventuelle levée des sanctions par Emmanuel Macron. Il explique pourquoi les entreprises françaises resteront en Russie et où il est le plus facile d’effectuer un travail de lobbying.
Il n’est pas secret que l’avenir des sanctions imposées à la Russie se trouve entre les mains des dirigeants de l’Allemagne et de la France. Il faudra encore attendre un peu pour comprendre comment Emmanuel Macron va traiter cette question avec sa politique pragmatique, plus orientée vers l’économie. Pavel Chinsky, Directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe souligne que le président a hérité d’une économie nationale laissée dans un « état pitoyable »; des réformes urgentes sont attendues depuis longtemps mais la relation avec la Russie est aussi un problème important.
Dans sa dernière interview donnée en 2013, un an après le changement de pouvoir à la tête de la France, Pavel Chinsky s’intéressait aux évolutions provoquées par l’élection de François Hollande sur les relations économiques et commerciales entre les deux pays. Quatre ans plus tard, il continue de déplorer le manque d’« un agent économique unique » et d’un centre unique de prise de décision pour le développement de ces relations. Malgré l’absence de cet « agent » et malgré les sanctions, la France est depuis trois années consécutives le premier investisseur en Russie en termes d’IDE. De plus, de grandes entreprises comme Danone localisent leur production en Russie et certaines sont mêmes prêtes à exporter leur production comme c’est le cas de Sanofi.
Les hommes d’affaires russes, en revanche, ne peuvent pas se vanter d’investissements aussi importants mis à part RZHD et Gefco. Aujourd’hui, Pavel Chinsky partage ses hypothèses concernant l’évolution de la situation ainsi que de nouveaux espoirs.
Il y a dix ans, vous-êtes devenus Directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe. Comment le milieu des affaires a-t-il évolué en Russie au cours de ces années ? Comment ont évolué les entreprises françaises en Russie ?
En fait, tout a changé : et la Russie, et la structure du milieu des affaires et même moi. Enfin, le pouvoir ici est plus stable que dans de nombreux pays européens. Il y a 10 ans, je suis arrivé pour diriger ce qui ressemblait plus à un club d’affaires, c’était des réunions amicales franco-françaises, qui n’avaient pas exactement à voir avec la politique et l’économie et qui avaient plutôt des fonctions psychologiques.
Les gens traversaient des bouleversements financiers assez sérieux ; ils se rassuraient tout simplement les uns les autres et cherchaient à se convaincre qu’il y avait du sens à rester travailler ici. A l’époque, il n’y avait que des représentants de grandes entreprises françaises. La structure du business français est différente de celle des Allemands ou disons, des Italiens. Si vous prenez les principaux concurrents, en France, il y a plusieurs dizaines de grandes entreprises (le CAC 40) qui sont même souvent les leaders mondiaux dans leur secteur. Et l’export fonctionne de la façon suivante : une de ces grandes entreprises entre sur le marché puis elle entraîne avec elle toute une série de fournisseurs et de sous-traitants. Ces entreprises ont en quelque sorte la responsabilité de créer un environnement des affaires favorable. Alors que pour les Italiens, n’importe quel pizzaïolo peut aller en Corée du Nord avec un sac à dos sur les épaules. Les Allemands sont aussi à cet égard plus entreprenants. Les Français sont plus prudents, et d’ailleurs, ils n’aiment pas faire de bruit.