Le Conseil national de la gouvernance d’entreprise et la CCI France Russie, avec le soutien d’Interros, ont organisé une table ronde conjointe sur le thème: «Gouvernance d’entreprise : nouvelles tendances en France et en Russie ».
Les échanges ont porté principalement sur la comparaison des pratiques de gouvernement d’entreprise en France et en Russie dans le contexte général du développement économique et des relations commerciales et économiques entre les deux pays. Les co-présidents de la table ronde, Emmanuel Quidet, président de CCI France Russie, et Andreï Bougrov, vice-président senior, vice-président du conseil d’administration de Norilsk Nickel, ont souligné l’importance de partager l’expérience entre la France et la Russie en matière de gouvernance d’entreprise. L’expérience des régulateurs français intéresse les participants russes à la table ronde, et pour les collègues français représentant des sociétés opérant en Russie, il est intéressant de savoir dans quelle mesure les entreprises russes respectent les règles du Code de gouvernement d’entreprise russe.
Dans son allocution d’ouverture, Andreï Bougrov a attiré l’attention sur le fait qu’une analyse minutieuse de la gouvernance d’entreprise en France et en Russie révèle à la fois des similitudes et des différences. Ainsi, dans les deux pays, c’est une structure concentrée de l’actionnariat qui prévaut, facteur qui a un impact significatif sur les spécificités de l’ensemble du système de gouvernement d’entreprise. Au cours des dernières années, en France comme en Russie, on note une tendance assez évidente à étendre les pouvoirs des conseils d’administration. En particulier, leurs compétences sont en constante expansion du fait des questions de développement durable et de responsabilité des entreprises. Dans le même temps, il faut reconnaître qu’en France, les actionnaires minoritaires disposent de nombreux droits, ils sont plus actifs et ont un influence significative sur le processus décisionnel des entreprises.
Andreï Bougrov a également noté que les deux ou trois dernières années ont été marquées par une vague de mises à jour à grande échelle des codes de gouvernement d’entreprise dans plusieurs pays. En 2018, de nouvelles versions des codes ont été adoptées en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Autriche, au Danemark et au Mexique. En 2019, en Allemagne, Belgique et en Arabie Saoudite. La mise à jour du code français met notamment l’accent sur l’amélioration des mécanismes d’interaction entre les conseils d’administration et les actionnaires, la réalisation de l’égalité hommes-femmes dans les conseils d’administration, le renforcement du contrôle de la rémunération des dirigeants et les aspects environnementaux et sociaux de l’activité des entreprises. En Russie, les travaux se poursuivent pour préparer des amendements au Code russe de gouvernance d’entreprise de 2014.
Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe de la CCI France Russie, a présenté une brève analyse de l’état actuel des relations entre la France et la Russie. Selon l’expert, les réunions des dirigeants russe et français au cours des dernières années et le récent retour de la Russie au Conseil de l’Europe témoignent d’un rapprochement entre les deux pays. Dans ce contexte, le renforcement du dialogue entre les communautés d’affaires française et russe semble naturel.
Christophe Huet, associé et avocat chez CMS Russie, a complété à la liste des nouvelles dispositions du Code français:
- le principe « observe ou explique » (soit l’entreprise applique le Code, soit elle explique pourquoi elle ne le fait pas);
- la détermination des obligations du conseil d’administration formalisées par la loi;
- les politiques anti-discrimination au plus haut niveau;
- l’augmentation de la transparence de l’activité du conseil d’administration;
- l’évaluation des risques financiers, juridiques, opérationnels, sociaux et environnementaux;
- la prévention de la corruption;
- il est recommandé aux entreprises de créer trois comités au sein du conseil d’administration: chargé de l’audit (pour l’évaluation des risques), du contrôle des rémunérations et des questions sociales.
La nouvelle version du Code n’a pas manqué d’aborder des sujets tels que la gestion des conflits d’intérêts et l’éthique des affaires des membres du conseil d’administration. L’expert a également noté l’émergence en France d’un code distinct pour les sociétés cotées à petite et moyenne capitalisation. Selon M. Huet, la poursuite du développement du Code de gouvernance français repose sur la question de la création d’un Code commun au niveau de l’Union européenne.
Jerome Clausen, fondateur et directeur général de CTI Advisory, membre du Conseil d’administration de la CCI France Russie, a ajouté que si une entreprise internationale applique le Code de gouvernement d’entreprise d’un certain pays, il ne doit pas entrer en conflit avec les lois nationales des pays où l’entreprise a des bureaux de représentation. En tant que conseiller de la Banque Nationale d’Investissement (Bpifrance), M. Clausen a partagé son expérience de coopération avec le Fonds russe des investissements directs (RDIF). Il a souligné que le conseil de surveillance du RDIF comprend des membres du gouvernement et des personnalités politiques russes connues : Sergueï Ivanov, Elvira Nabioullina, Maxime Orechkine, Anton Silouanov. Cela montre les spécificités de la gouvernance d’entreprise en Russie.
Andreï Yakouchine, chef de la Direction des relations avec les entreprises de la Banque de Russie, a parlé aux participants de la table ronde du respect du Code russe de gouvernance d’entreprise. Il a noté une dynamique positive dans l’application du Code par les sociétés russes cotées en bourse, la grande majorité d’entre elles se conformant à plus des 3/4 des dispositions du Code. Dans le même temps, la part des entreprises qui ont introduit moins de la moitié des principes a diminué de 9 fois depuis 2015. Les principes les plus observés dans les sociétés russes sont les suivants: fournir aux actionnaires des méthodes fiables et efficaces de comptabilisation des actions; prévenir la détérioration du droit aux dividendes des actionnaires et l’absence de paiement supplémentaire aux membres du conseil d’administration en cas de résiliation anticipée des pouvoirs. Dans la liste des dispositions les moins respectées on retrouve: la procédure à suivre pour la tenue des assemblées générales avec possibilité égale d’assister à la réunion et d’exprimer leur avis pour toutes les personnes; inscription dans les documents internes de l’entreprise des opérations importantes; création d’un comité de rémunération composé de membres indépendants du conseil d’administration.
Le directeur exécutif du Conseil national de la gouvernance d’entreprise, Sergueï Porchakov, a présenté aux participants de la table ronde la 11e édition du rapport national sur la gouvernance d’entreprise. Le rapport continue de publier des documents qui étudient la mise en œuvre des recommandations du Code de gouvernement d’entreprise de 2014 dans la pratique des entreprises russes. Le nouveau numéro est consacré à la gouvernance d’entreprise dans les plus grandes banques russes.
La deuxième partie de la table ronde était consacrée à la discussion des facteurs de développement durable, connus sous l’abbréviation ESG (écologie, responsabilité sociale, gouvernement d’entreprise). Ivan Koukhnine, associé chez Deloitte, a parlé de l’évolution du développement durable dans les entreprises. Ainsi, en 2015, l’ONU a formulé 17 objectifs de développement durable, 169 missions et 244 indicateurs mesurables. En 2019, les mots de l’année selon les dictionnaires Oxford, Cambridge et Collins sont devenus respectivement: «Climate emergency», «Upcycling», «Climate strike». L’intervenant a accordé une attention particulière au développement d’un indice international «socialement responsable» pour les investisseurs.
Svetlana Ivchenko, directrice du département de politique sociale de Norilsk Nickel, a présenté les projets de l’entreprise en matière de développement durable jusqu’en 2030. En premier lieu, il s’agit d’une croissance régulière de la production et du passage d’un cycle de planification de cinq ans à un cycle de dix ans. Deuxièmement, il s’agit de nouvelles initiatives environnementales: l’objectif est d’atteindre les meilleures normes mondiales pour l’utilisation du SO2 et de réduire ses émissions. Troisièmement, le capital social, son développement et sa préservation, l’amélioration de la qualité de vie des personnes dans les régions où l’entreprise est présente.
En conclusion, Pavel Chinsky, modérateur de la table ronde, Directeur général de la CCI France Russie, a remercié les participants pour leur ouverture au dialogue et à l’échange d’expériences dans un domaine aussi important que la gouvernance d’entreprise et l’ESG.