Le 27 mai 2016, la CCI France Russie a organisé une conférence « Lutter contre la contrefaçon en Russie : conseils pratiques aux entreprises », la première consacrée à ce sujet. Elle a réuni une centaine de membres de la communauté d’affaires, des représentants des autorités et des experts du domaine.
Dans leur discours d’ouverture, Pavel Chinsky, directeur général de la CCI France Russie, et Christophe Huet, associé chez CMS Russie, ont souligné la gravité du problème de la contrefaçon pour les entreprises franco-russes aujourd’hui. Les secteurs les plus touchés sont la pharmacie, le luxe, le retail, l’informatique, la cosmétique, la parfumerie et l’alcool, c’est-à-dire la majorité des sociétés françaises en Russie. Le sujet a même été évoqué lors de la rencontre entre le président russe et la communauté d’affaires française.
Denis Arkhipov, modérateur de la première partie de la conférence et associé au cabinet d’avocats EPA&P, a indiqué qu’en 2013, les marchandises contrefaites représentaient 2,5% du commerce mondial (selon l’OCDE), c’est-à-dire environ un demi-trillion de dollars. Chaque année, leur part continue de progresser. L’accès de la Russie à l’OMC lui a permis de quitter le top 20 des pays « pirates », mais la généralisation de la contrefaçon reste un problème sérieux pour l’économie, les entreprises et les consommateurs.
Larissa Touzikova, du Département du commerce intérieur, de l’industrie légère et de la consommation (ministère russe de l’Industrie et du Commerce) a annoncé qu’il n’existait pas de données précises à ce sujet, mais qu’il était évident qu’il s’agit d’une menace à grande échelle, touchant gravement les industries alimentaire, légère, aéronautique, automobile et pharmaceutique. À cet égard, une commission nationale de lutte contre le trafic de produits industriels, présidée par Denis Mantourov, ministre russe de l’Industrie et du Commerce, a vu le jour en 2015. Larissa Touzikova a également évoqué la création de groupes de travail interministériels de lutte contre le trafic de produits industriels, dont l’objectif est de définir les positions sur des questions spécifiques liées à la contrefaçon.
Selon Svetlana Krasova, directrice générale de l’association Internationale « Antikontrafakt », l’une des mesures les plus efficaces dans la lutte contre les contrefaçons est de créer un système de marquage et de traçage des produits dans différents secteurs. Des programmes de formation pour les forces de l’ordre sont actuellement élaborés en collaboration avec l’Université des finances.
Alexeï Popovitchev, directeur exécutif de RUSBRAND, l’Union russe des fabricants, a présenté un aperçu de l’évolution du marché de la contrefaçon en Russie. Le début des années 2000 a vu un pic dans le trafic de marchandises illégales, la situation s’est ensuite considérablement améliorée entre 2000 et 2010, mais cette tendance s’est arrêtée à partir de 2010.
Dans l’ensemble, aujourd’hui :
- le commerce de produits contrefaits passe par Internet, qui est un espace peu contrôlé ;
- la crise libère des sites de production qui servent alors à fabriquer des produits contrefaits ;
- la lutte contre la contrefaçon se complique, en particulier la destruction des produits, entraînant un retour de ceux-ci sur le marché.
Selon Alexeï Popovitchev, afin d’endiguer ce fléau, il faut accélérer l’application de la loi, augmenter l’implication de la police (réduite en raison de la décriminalisation de certains articles du Code pénal) et accroître l’efficacité des entreprises dans la résolution de problèmes de distribution de produits contrefaits.
Marion Guth, conseillère régionale pour les questions de propriété intellectuelle au Service économique régional de l’Ambassade de France en Russie, a indiqué que l’Ambassade de France est impliquée dans la lutte contre la contrefaçon depuis déjà près de 20 ans, précisant que 70% des produits contrefaits concernent des marques françaises. Les principaux axes de travail du pays sont : l’amélioration et l’adaptation de la législation, la sensibilisation des fabricants et des consommateurs, la lutte contre les infractions et les questions relatives à la réparation des dommages causés aux civils.
Aslambek Aslakhanov, membre du Conseil de la Fédération et président de l’Association internationale « Antikontrafakt », a annoncé qu’une réforme des services de police était en préparation pour mieux lutter contre la contrefaçon.
Martin Fleury, attaché douanier à l’Ambassade de France en Russie, a noté qu’en France, 90% des produits contrefaits sont interceptés par les douanes, la police ayant d’autres priorités. Selon lui, la sévérité des sanctions pour les auteurs d’infractions est cruciale.
Daria Yadernaya, directrice générale d’Y Consulting a présenté le point de vue des entreprises. Si les risques financiers liés au problème sont indirects, l’atteinte à la réputation est bien plus importante. En temps de crise, la distribution s’avère être la phase présentant le plus de risques, en particulier le dégroupage, le parasitisme et la « pseudo-franchise ». La bonne nouvelle pour les entreprises est que les contrefaçons bon marché et le produit original n’entrent pas en concurrence ; à l’inverse, c’est rarement le cas lorsque les contrefaçons sont coûteuses.
En période de crise, les quantités de produits contrefaits augmentent. Cela s’explique par :
- la réorientation des achats de l’étranger vers la Russie ;
- l’augmentation des achats de touristes étrangers en Russie ;
- la croissance du commerce transnational dans le segment petit budget ;
- la baisse de contrôle des partenaires.
Yana Brutman, associée chez TM DEFENCE Legal Services, a évoqué le piratage des marques, en conseillant de ne jamais accepter les conditions des pirates et de faire appel aux tribunaux ou aux forces de l’ordre pour faire valoir ses droits.
Sergueï Samyguine, directeur général de la société DISPAK, a présenté les techniques de protection des produits contre la contrefaçon et les solutions aux problèmes liés, notamment, à l’ouverture d’un emballage et à la copie d’un produit. Il a également expliqué que la production de contrefaçons commence à porter ses fruits un ou deux mois après le lancement de la production. Il faut donc développer des moyens de protection supplémentaires qui augmentent le coût de lancement d’un produit contrefait.
Lors de la dernière partie de la conférence, les représentants de plusieurs producteurs ont donné leur point de vue sur le problème de la lutte contre la contrefaçon.
Comme l’a souligné Valentin Kiselevitch, directeur de la lutte contre la contrefaçon chez Sanofi, dans le domaine de l’industrie pharmaceutique, la contrefaçon a commencé à toucher les médicaments vétérinaires. Les fraudeurs se sont ensuite tournés vers les médicaments distribués dans les établissements médicaux et les médicaments coûteux pour le traitement de maladies graves.
Anna Sidorova, responsable protection des marques chez Unilever Russie, a expliqué comment les produits contrefaits passent de Chine en Russie et les conséquences de la volatilité de la situation économique sur le comportement des consommateurs russes. Cherchant à économiser, ils deviennent de moins en moins exigeants en matière de qualité et d’origine de la marchandise.
Kaïrat Jangozin, directeur exécutif de l’Union russe des producteurs d’alcool, a ciblé la hausse des assises comme cause première de la croissance des contrefaçons d’alcool.
La CCI France Russie remercie chaleureusement tous les intervenants et participants à la conférence, ainsi que ses sponsors, Gazprombank, «Puskovoy element» et CMS Russie.
Sponsors de la conférence: