« La France et l’Europe sont les partenaires privilégiés de la Russie dans le secteur aéronautique. Trouver une alternative relève de la gageure. »
Le petit déjeuner d’affaires organisé par l’Observatoire franco-russe à l’occasion de la présentation de sa note d’analyse « Avionneurs russes : bilan des réformes et perspectives d’avenir » a réuni plus de 80 participants : attachés militaires, représentants de l’industrie aéronautique et du complexe militaro-industriel, experts, journalistes spécialisés.
Cette troisième note d’analyse de l’Observatoire a été rédigée par Konstantin Makienko, directeur adjoint du Centre d’analyse des stratégies et technologies (CAST).
Dans un premier temps, Konstantin Makienko a rappelé les principales étapes de la restructuration des industries aéronautiques russes. Il a notamment mentionné les différents scénarios envisagés au tournant des années 2000 : « Sukhoï aurait pu devenir un pôle national entièrement sous contrôle de l’Etat, Irkout développent pour sa part des coopérations internationales. Mais le gouvernement a privilégié l’émergence d’un champion national – la Compagnie aéronautique unifiée (OAK) ».
Selon Konstantin Makienko, la préservation des actifs matériels en temps de crise, la rationalisation de la production et la consolidation des différentes sociétés constituent les résultats les plus significatifs de douze années de réformes de l’industrie aéronautique russe. L’Etat a passé des commandes très importantes dans le secteur de l’aéronautique militaire dans le cadre du programme décennal d’armement, assurant ainsi l’avenir des entreprises de ce segment.
Cependant, le secteur aéronautique reste très endetté, les progrès sont maigres en matière de mise en place d’un partenariat stratégique avec l’Europe, et l’aviation commerciale russe a presque complètement perdu le marché intérieur, désormais occupé à 97% par des sociétés étrangères (Airbus, Boeing, Embraer, etc.).
« L’un des échecs d’OAK est qu’elle n’a pas su véritablement intégrer ses différentes composantes. Les intérêts de ses entités sont divergents, alors qu’en Europe, toutes les structures d’EADS travaillent ensemble sur leurs projets. »
OAK, fort des commandes de l’Etat dans le secteur militaire, va mettre à profit les années à venir pour développer le segment de l’aviation commerciale. OAK sera probablement introduite en bourse à l’horizon 2020,
Selon Konstantin Makienko, les « courants faibles » au-delà du périmètre d’OAK présentent beaucoup d’intérêt : ces projets en apparence modeste de coopération internationale pourraient devenir beaucoup plus sérieux et importants à moyen terme.
L’avenir du segment civil des industries aéronautiques russes dépend de la mise en œuvre des projets SSJ-100 et MS-21 : « S’ils échouent, la Russie devra se contenter d’assembler des avions sous licence ». L’Etat russe a effectué des commandes importantes d’avions de combat, mais les exportations sont en baisse. « Cela s’explique par la saturation du marché chinois, le marché indien devant connaître la même évolution à brève échéance. Cependant, nous observons actuellement le retour des Chinois, qui ont l’intention d’acheter plus de 20 Su-35. Aujourd’hui, la question est de savoir si cette reprise des contrats militaires chinois sera pérenne. »
« De mon point de vue, il est important pour la Russie de lancer un projet de chasseur léger de cinquième génération. Plusieurs pays tels que la Chine, la Turquie, la Corée du Sud et l’Indonésie travaillent déjà sur des projets similaires, et la Russie ne doit pas passer à côté de ce marché. »
« La coopération franco-russe dans les secteurs aéronautique et spatial trouve ses origines à l’époque du général de Gaulle. De nos jours, la Russie et la France travaillent ensemble sur un certain nombre de projets : la fusée Soyouz est lancée depuis la base de Kourou, Irkout fournit des composants pour les Airbus, Safran et Thales participent au programme d’avion régional SSJ-100, Turbomecca équipera les futurs hélicoptères Kamov-226T et Kamov-62. Je suis convaincu que cette coopération est mutuellement bénéfique et est promise à un brillant avenir », a déclaré le directeur de l’Observatoire franco-russe Arnaud Dubien.