Nous avons échangé avec Richard van Wageningen le Vice-président senior de Orange Business Services, responsable de la région IMEAR (Indirecte, Moyen-Orient, Afrique, Russie-CEI), sur les perspectives de développement du secteur IT-Télécom en Russie et les solutions technologiques les plus populaires.
– Orange Business Services est présent dans plus de 220 pays, en quoi vos bureaux en Russie se distinguent-ils des autres ?
La Russie est le plus grand pays du monde. Un grand nombre de ses régions est difficile d’accès. Nos ingénieurs ont récemment installé notre matériel par moins 45 degrés. On ne rencontre pas ces températures fréquemment sur le globe. La seconde spécificité de la Russie est bien sûr son étendue. Pour comparer avec mon pays, le temps qu’il faut pour se rendre à la datcha depuis Moscou est le même que celui pour traverser en voiture les Pays-Bas du Nord au Sud.
– Comment décrieriez-vous le marché IT-Télécom en 2017 ?
Si l’on parle du point de vue de Orange Business Services, nos ventes ont augmenté, nous représentons maintenant 43% du marché, ce qui est très bien. A présent, nous nous concentrons davantage sur le développement de nos solutions de sécurité, le « cloud », les centres d’appels et les solutions relatives à l’ « Internet des objets ».
– Aujourd’hui en Russie, on accorde beaucoup d’attention à la sécurité de l’information. Comment votre entreprise s’adapte-t-elle aux besoins du marché russe ?
Ce n’est pas le cas seulement en Russie. La sécurité de l’information est une question très actuelle dans tous les pays. Je n’utiliserais pas le mot « s’adapter » en parlant de Orange Business Services. Ces problématiques, comme les SOC (centres de sécurité des opérations) ou les NOC (centres d’opérations du réseau) ont toujours fait partie de nos activités. L’attention portée à ces questions de sécurité de l’information est au cœur de notre savoir-faire. A ce niveau, il n’y a donc pas de nouveauté, à l’exception bien sûr, du développement technologique et de l’augmentation des menaces chaque année. Les outils nécessaires au piratage informatique sont aujourd’hui très facile d’accès, même pour des pirates novices – les script kiddies – comme on les appelle. Mais pour nous, il s’agit d’une possibilité de démontrer nos compétences, et donc d’augmenter nos ventes.
Nous avons eu le cas d’un client auquel nous proposions une solution intégrale de sécurité. Il a refusé, puis a été piraté. Le coût des dommages s’est révélé dix fois plus élevé que le prix de nos services. La sécurité informatique est une condition nécessaire de l’activité d’une entreprise moderne. Imaginez seulement ce qui arriverait si un important site de production subissait une attaque !
– Où réside le potentiel de développement d’Orange Business Services en Russie ? Quels sont les produits et services les plus demandés ?
Je suis entré chez Orange en 2013. Nous proposions alors des outils standards : lignes téléphoniques, transmission de données par Internet, VPN, etc. Tôt ou tard, même la technologie la plus extraordinaire finit par saturer le marché, par perdre son intérêt, par se banaliser. Dans les années 1990, le téléphone cellulaire était une rareté à Moscou : il coûtait 5000 dollars, et il fallait une autorisation pour s’en servir. Mais aujourd’hui, je suis certain que vous ne savez même pas combien vous avez eu de portables. On n’épate plus personne avec un smartphone. C’est la même chose pour le marché des télécoms.
C’est pourquoi nous nous concentrons sur la création d’écosystèmes de solutions sectorielles intégrées : Nous ne vendons pas de solutions toutes prêtes, mais des offres personnalisées correspondant aux besoins de nos clients. Nos produits sont comme les pièces d’un jeu de construction : nous ne les vendons pas de manière indépendante, nous les considérons comme des composantes d’une solution spécifiquement adaptée au client.
Prenons un exemple concret. Un client perdait 4 % de sa production de surgelés par an, en raison de la détérioration de ses équipements frigorifiques, auquel il ne pouvait pas remédier à temps. Nous lui avons proposé une solution complexe permettant de réduire les pertes à 2 %. Elle inclut des capteurs, du Wi-Fi, des applications satellitaires et en cloud, une protection, de l’analyse, etc. On peut trouver certains éléments moins chers au détail, mais la spécificité de notre service repose sur l’association de tous ces éléments en fonction du client et sur une garantie intégrale.
– Vous avez évoqué l’Internet des objets (IoT). On en parle beaucoup en ce moment. Quels sont les secteurs qui s’y intéressent le plus ?
Nous travaillons main dans la main avec de grandes entreprises de production sur des solutions de sécurité. Par exemple, sur les sites industriels, les badges fonctionnent uniquement si les employés portent leur casque. Lorsque quelqu’un se trouve dans une zone dangereuse, le système le signale. En Russie, la législation est particulièrement stricte et les dirigeants des entreprises portent une lourde responsabilité en cas d’accident du travail.
La distribution est l’autre secteur particulièrement demandeur de solutions IoT. Au-delà des applications techniques, comme dans le cas des équipements réfrigérés dont nous avons parlé, l’Internet des objets peut servir à identifier les clients par l’intermédiaire de bornes (beacons) et d’un système d’analyse vidéo afin de proposer des promotions personnalisées.
– Orange Business Services a reçu la certification Top Employer Global 2017. Quels conseils donneriez-vous pour constituer une équipe de travail performante ?
Il y en a beaucoup. Pour nous, cette récompense n’est pas une simple ligne de palmarès. Un collaborateur heureux a un effet plus important sur le chiffre d’affaires de l’entreprise qu’un client satisfait. Si le client se trouve face à un employé qui revendique fièrement de travailler chez Orange, il comprend l’avantage qu’il va retirer de cette motivation. En Russie, 98 % de notre personnel est fier de travailler chez Orange. Croyez-moi, c’est un très bon chiffre. L’année dernière, 40 % de nos recrues étaient d’anciens employés qui revenaient.
Il est important de donner l’exemple. Tout ce qu’on attend de ses collègues, il faut le faire (ou ne pas le faire). Si je veux que tout le monde arrête de fumer, à moi de ne pas le faire dans mon bureau.
J’ai mis trois ans à former une équipe dirigeante en laquelle j’aie confiance. Je m’étais mis en tête qu’elle ne devait pas seulement être composée de grands professionnels, mais qu’il fallait que ce soient des personnes qui sauraient interagir et travailler avec leurs collègues des différents services.
Je mets un point d’honneur à m’entretenir avec tout le monde. Je déjeune régulièrement avec des employés. Nous discutons de leurs problèmes : ils sont francs car ils savent que je ne répéterai rien à leurs supérieurs hiérarchiques immédiats. Ça me permet d’avoir une idée de l’état des troupes dans les différents services, et c’est l’occasion d’expliquer aux employés la logique de telle ou telle décision. Si nous changeons quelque chose, je veux que tous comprennent pourquoi.
– Qui sont vos clients ? Plutôt des entreprises françaises ou aussi des russes ?
Presque chaque grande entreprise présente en Russie nous achète quelque chose, même sans le savoir. Par exemple, une entreprise peut se fournir chez un concurrent, qui se fournit chez nous. La moitié de nos clients sont Russes, les autres sont étrangers, dont 20 % de Français.
– Sur quoi repose la relation avec le client ? Comment obtenir sa confiance ?
Il est important de comprendre que le choix d’un prestataire constitue une prise de risque pour le client. Ne serait-ce que parce qu’il confie une partie de la réussite de son entreprise à une autre entreprise. La confiance joue un rôle primordial. C’est pourquoi Orange ne s’adresse pas à ses clients en tant que vendeur mais en tant que partenaire pour la transformation numérique de l’entreprise. C’est ensemble que nous résolvons les problèmes et que nous avançons.
– Vous vivez en Russie depuis plus de 12 ans. Qu’est-ce que vous aimez et n’aimez pas ici ? Vous sentez-vous à l’aise dans votre vie professionnelle ?
Honnêtement, si je n’étais pas à l’aise, c’est simple, je ne travaillerais pas ici. Nos bureaux sont magnifiques, l’équipe est super. Quant à Moscou… je n’aime pas les bouchons. J’habite au-delà du MKAD, à la campagne ; les bouchons, c’est du temps perdu. Et puis, le russe est une langue compliquée. Mais je me débrouille. (Il rit.) Voilà, ce sont les problèmes qui me viennent à l’esprit. J’ai ici une maison que j’adore, je peux pratiquer mon hobby, les excursions en jeep. En Russie, la vie est plus imprévisible – dans le bon sens du terme – qu’aux Pays-Bas. Sur le plan professionnel aussi bien que personnel.